Titre de séjour « métier en tension », une (vraie) bonne idée ?
Pôle emploi estime que 3 039 000 projets de recrutement vont apparaître en France, d’ici la fin d’année 2023. Malgré les chiffres du chômage (7 % des actifs français sont chômeurs), le marché de l’emploi regorge d’opportunités professionnelles, dans des secteurs oubliés ou mis à l’écart, bien qu’étant indispensables à la société. Face à ce constat, le gouvernement souhaite miser sur un titre de séjour « métier en tension » (aussi appelé carte de séjour « métier en tension ») pour combler ces pénuries de recrutement grâce à la main-d'œuvre étrangère.
Vraie bonne idée ? Simple effet d’annonce ? Solution pour relancer l’attractivité vers les métiers en tension ? La rédaction de Hupso s’est penché pour vous sur ce sujet, pour mieux comprendre le fonctionnement de ce projet ambitieux.
Définition : c’est quoi un métier en tension ? ?
On parle de plus en plus de « métier en tension » mais au fait, de quoi s’agit-il ? Avant de rentrer dans le vif du sujet, un point vocabulaire est nécessaire pour mieux comprendre l’enjeu de cette thématique.
Les métiers en tension sont des professions qui souffrent d’un manque de candidats à l’emploi. Concrètement, il y a plus de postes disponibles sur le marché du travail que de personnes intéressées par la fonction proposée.
Une tension se développe alors entre le besoin des entreprises (mais aussi des collectivités, des associations, etc.) et les aspirations professionnelles des candidats à l’embauche. Même si ce phénomène varie selon les secteurs d’activité professionnelle et les territoires géographiques, plusieurs causes expliquent l’apparition de métiers en tension :
- Manque d’attractivité d’un métier et/ou d’un secteur professionnel
- Conditions de travail mal perçues ou mal connues
- Déficit de formation professionnelle
- Problème de rémunération
En France, plusieurs domaines d’activité sont touchés, notamment la construction (Bâtiment et Travaux Publics - BTP), la santé / social, l’industrie, l’informatique ou encore la vente et le commerce.
Pour en savoir plus sur ces professions : Métiers en tension, métiers difficiles ? Stop aux clichés !
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Essayez gratuitementQu’est-ce que le titre de séjour « métier en tension » ? ?
N.B. : le titre de séjour « métier en tension » a été validé par le Sénat et doit être débattu à l’Assemblée Nationale. Si le projet de loi est accepté, ce dispositif entrera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2026, à titre expérimental.
Le titre de séjour « métier en tension » fait partie d’un projet de loi sur l’immigration, porté par le ministre de l’Intérieur (Gérald Darmanin) et le ministre du Travail (Olivier Dussopt). Ce dispositif est contenu au sein de l’article 3 du texte législatif, proposé en conseil des ministres le 1er février dernier.
Parmi d’autres mesures, cette carte de séjour entre dans le volet « intégration » de la loi sur l’immigration. Selon le rapport rendu par le Sénat en mars 2023, cette disposition vise trois objectifs majeurs :
- Régulariser les travailleurs étrangers présents sur le territoire national, en proposant une voie d’accès au séjour par le travail, de leur propre initiative
- Lutter contre les abus aux droits du travailleur (atteinte par l’employeur aux règles du droit du travail, recours au travail « au black », etc.)
- Réduire les tensions et renforcer l’attractivité des secteurs touchés
En réalité, le projet de titre de séjour « métier en tension » s’appuie sur des mécanismes déjà développés par le passé. Par exemple, en 2007, Nicolas Sarkozy souhaitait une régularisation des sans-papiers grâce au travail. Le but était assez semblable : dynamiser les secteurs en tension en faisant appel à la main-d’œuvre étrangère.
Presque 16 ans après cette proposition, le gouvernement actuel semble prendre le même tournant. Concrètement, une carte de séjour serait délivrée pour un an (renouvelable) aux étrangers, sous trois conditions principales :
- Résider en France, de manière ininterrompue depuis au moins trois ans
- Être en situation d’emploi dans un métier ou une zone géographique en tension (au moment de la demande)
- Justifier d’une période d’activité salariée d’au moins huit mois (consécutifs ou non) sur les deux dernières années, dans le métier ou la zone en tension
À l’heure actuelle, une liste officielle des métiers en tension répertorie, dans un arrêté, toutes les professions concernées par une pénurie de candidats, région par région. Elle permet aux employeurs de savoir si les postes au sein de leur entreprise sont des métiers en tension.
Bon à savoir : publiée en avril 2021, une mise à jour de la liste devrait avoir lieu au cours de l’année 2023, pour redéfinir les métiers en tension de chaque territoire.
Les 5 métiers en tension d'ici 2030 | |
Métier |
Nombre de postes potentiels non-pourvus |
Agents d'entretien |
328 000 |
Aides à domicile |
224 000 |
Conducteurs de véhicules |
200 000 |
Ouvriers qualifiés de la manutention |
157 000 |
Cadres commerciaux et technico-commerciaux |
144 000 |
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Essayez gratuitementCréer un titre de séjour « métier en tension » : oui ou non ? ⚖️
Un projet ambitieux et vertueux…
L’idée d’un titre de séjour dédié aux métiers en tension dispose de multiples avantages. Bien évidemment, ce projet sert avant tout à réduire les tensions sur le marché du travail. S’il entre en vigueur, il pourrait devenir un élément clef dans la lutte contre les pénuries de recrutement.
En parallèle, un regain d’intérêt pour ces professions oubliées pourrait survenir. Par exemple, on observe tous les jours chez Hupso une augmentation des personnes intéressées par des carrières dans le BTP, le soin ou l’enseignement !
Avec cette carte de séjour pour les métiers en tension, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, souhaite « tout particulièrement dans les métiers en tension, comme ceux du bâtiment, que le travailleur immigré en situation irrégulière puisse solliciter la possibilité de rester sur le territoire sans passer par l'employeur ». Le but est donc d’inverser le rapport de force entre l’employeur et le travailleur étranger.
Actuellement, le patron entame les démarches, selon son bon-vouloir, pour régulariser le statut de son employé étranger. En contrepartie, le salarié poursuit cette démarche et fournit lui-même une preuve de son salariat (formulaire Cerfa rempli par l’employeur, fiches de paie, etc.).
Si le projet est voté par les parlementaires, plus besoin de l’accord de l’employeur pour introduire la demande. La régularisation viendra alors de la seule volonté du salarié. Attention, le salarié devra tout de même fournir des preuves à l’administration (fiches de paie, déclaration sur l’honneur, etc.).
Toujours dans l’idée de réduire les pouvoirs de l’employeur, le dispositif prévoit aussi d’ouvrir une enquête pour vérifier que l’employeur respecte les règles du Code du travail (travailleur déclaré, aucun abus sur les horaires de travail ou la rémunération, etc.).
Enfin dernier avantage majeur : l’émancipation et l’indépendance. Aujourd’hui, si un travailleur étranger est victime d’abus par son employeur, les démarches sont assez complexes. En théorie, il peut quitter son emploi pour en chercher un autre… mais son titre de séjour prend fin ! Il faut alors réitérer la demande auprès de l’administration. En cas d’entrée en vigueur, ce titre de séjour vaut autorisation de travail, ce qui permettrait de changer de travail sans refaire une nouvelle demande.
… mais encore débattu
Malgré les bienfaits énoncés ci-dessus, le projet d’un titre de séjour pour les métiers en tension reste controversé dans la sphère politique.
Du côté de la droite (principalement le groupe parlementaire Les Républicains - LR) on redoute un appel d’air sur l'immigration, avec un développement des réseaux de passeurs aux frontières. Les députés LR envisagent même de supprimer l’article 3 du projet de loi sur l’immigration.
Selon plusieurs experts, le projet doit encore être précisé, notamment en ce qui concerne les droits attribués aux bénéficiaires du titre de séjour (regroupement familial, protection sociale, allocations familiales, etc.). La crainte d’un renvoi systématique à la frontière, si le métier sort du périmètre des secteurs en tension, pose des interrogations chez une partie des responsables politiques.
Face à ces contestations, Gérald Darmanin a tenu à rassurer les sénateurs, lors d’une consultation en février dernier : « il faudrait que des étrangers non communautaires prennent la décision de venir sur le territoire national, s’y maintiennent en situation irrégulière pendant trois ans et arrivent à travailler huit mois dans un métier en tension, en ayant préconnaissance de la liste de ces métiers en tension, qui n’est même pas encore établie. » Autrement dit, ce scénario paraît improbable, pour ne pas dire impossible, d’après le locataire de l’Hôtel de Beauvau.
Dans tous les cas, ces critiques restent normales et saines en démocratie. Le projet doit faire l’objet de débats, pour aboutir sur une version finale complète et garantissant un cadre stable pour tous (employeurs, salariés étrangers et administration française).
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Essayez gratuitementQu’est-ce qu’on en pense chez Hupso ? ?
Chez Hupso, on s’engage, depuis notre création en 2016, dans la défense des métiers en tension. Pour nous, une revalorisation de ces professions est indispensable aujourd’hui pour le fonctionnement de la société.
Dans l’idée, un titre de séjour « métier en tension » peut donc être bénéfique pour l’attractivité des emplois où les candidats manquent. Bien entendu, il faut attendre de voir à quoi ressemblera le texte définitif proposé par le gouvernement. Quoi qu’il en soit, d’autres leviers doivent être activés pour permettre la revalorisation des métiers en tension.
Par exemple, notre engagement se concentre principalement sur la formation professionnelle. On accompagne chaque année des milliers d'apprenants vers une carrière dans les secteurs en tension. Des infirmiers, des chefs de chantier, des secrétaires, des comptables… Bref, des professionnels dont on a besoin au quotidien. On est convaincu qu’en soutenant les personnes dans leur projet professionnel (reconversion, évolution professionnelle, réorientation, etc.), on met notre pierre à l’édifice. En fin de compte, notre objectif est aussi de redonner de la visibilité à ces métiers en tension.
Vous connaissez désormais mieux le projet de titre de séjour « métier en tension », voulu par le gouvernement d’Emmanuel Macron. Bonne idée ou fausse solution : à vous de juger ! Le scénario devrait avancer cet été, dès juin 2023. Pour le moment, la loi sur l’immigration doit encore être débattue au parlement, avant d’être adoptée (ou non).
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